Portraits

La taille de la vigne : « la pièce maîtresse de l'élaboration du vin ».

Publié le 16.02.2022
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La taille de la vigne, qui dure de décembre à mars, est une étape primordiale dans l’année du vigneron. Ludovic Hérault, responsable viti-vinicole au Château Montlabert, est convaincu de son importance. Explications.


Réduite à ses fondements, la taille sert à supprimer les sarments de l’année précédente, et à déterminer la production de raisins sur l’année à venir. La période de la taille marque le début des travaux à la vigne. La méthode employée et le choix de la date déterminent la maturité, le rendement potentiel et le timing des vendanges. D’après Ludovic, « La taille, c'est la pièce maitresse de l'élaboration du vin. D'abord, on évalue comment on peut pérenniser la forme du pied, ce qu’on appelle la formation. Une fois qu’on a formé le pied, on lui dessine une charge. L’idée, c'est d'avoir un nombre de grappes maitrisé, de laisser suffisamment de bourgeons sur chaque aste pour faire en sorte que chaque bourgeon donne entre une grappe à deux grappes. »


Mais la réalité de la tâche s’avère bien plus complexe et nuancée, présentant un ensemble quasi-illimité d’enjeux qui portent sur la qualité de la récolte, l’état sanitaire du vignoble et son impact sur l’environnement. Prenant en compte cette complexité, le vigneron doit avoir une vision double, son regard portant à la fois vers le futur et vers le passé de chaque pied de vigne. Selon Ludovic : « Quand on taille, on forme un pied de vigne avant de définir la charge. On regarde ce qui a été fait l'année d'avant, pour décider ce qu'on va faire sur l'année d’après. C'est là ou notre métier est dur. Il faut garder l'historique de tout ce qu’on fait. Mais c'est grâce à cet historique-là que les vins prennent une trame, un style. »  



Comme c’est souvent le cas pour le vigneron, il n’y a pas de recette, et la taille reste une question d’adaptation et d’anticipation. « Chaque pied est différent. Certaines années, on a des pieds qui sont plus faibles, plus fatigués. Nous nous adaptons à cela. Quand le tailleur voit une vigne qui est un peu fébrile, il peut se dire que cette année-là il réduira la charge en gardant moins de bourgeons sur chaque aste, deux ou trois au lieu de quatre par exemple. Comme ça, la vigne peut se reposer, et l’année prochaine elle va se refaire une cerise. » Les conséquences d’une taille non maitrisée peuvent être lourdes : « Si on ne fait pas cela au fur et à mesure du temps, la vigne vieillit plus vite. On perd en rendement et en qualité. L’idée c’est de trouver le compromis entre la qualité et la quantité, tout en s’assurant de la pérennisation du vignoble. Quand tu tailles, tu as la vie du pied entre tes mains ». 


Les conditions météorologiques, qu’il s’agisse de celles de l’année passée ou de celles prévues pour l’année à venir, rentrent également en jeu : « Le gel fait partie de notre vie de vigneron. Il y a aussi les aléas du mildiou, de la grêle. La taille s’adapte à chaque fois et on fait des choix stratégiques pour le millésime à venir. Comme ça fait deux ou trois ans que l’on a eu du gel à Saint-Emilion, cette année on a décidé de réaliser la taille en deux temps. Cet hiver, on a laissé les entre-cœurs (rameaux secondaires latéraux issus d'un bourgeon situé sur le rameau de l'année), ce qui fera débourrer plus tôt le haut. Ça va empêcher le reste de geler. En avril, on prévoit de réaliser une deuxième taille afin d’ébourgeonner les baguettes que l’on a laissé plus longues, ce qui fera débourrer les bourgeons les plus éloignés du cep ».  



Au-delà des conditions externes, ce sont aussi chaque propriété et chaque terroir qui présentent leurs propres particularités. Les terres du Château Montlabert, avec ses parcelles aux sols sablo-graveleux situés autour de la propriété, et d’autres parcelles aux sols argilocalcaires situés dans la commune de Saint-Christophe-des-Bardes, illustrent parfaitement ce besoin de réactivité et d’adaptabilité. « Au Château Montlabert, on commence toujours en décembre par les vignes situées sur les sols argilocalcaires de Saint-Christophe-des-Bardes, qui sont plus tardives. On taille les parcelles autour de la propriété en janvier et février. L’idée, c’est que malgré cet écart, le débourrement aura lieu sur les deux zones à peu près au même moment. En ce qui concerne les cépages, on taille d’abord les parcelles de merlot, qui sont naturellement plus précoces, et ensuite les parcelles de cabernet franc, qui sont plus tardives. »


Le choix de la méthodologie est tout aussi important. Plusieurs méthodes de taille existent, qui diffèrent selon la région, les cépages, et le rendement souhaité. Au Château Montlabert, la taille s’effectue en Guyot double, qui consiste à conserver deux sarments de façon à obtenir deux baguettes. « Chaque région est différente, et chaque cépage est différent, mais il faut essayer d’apporter sa propre patte. Quand je suis arrivé ici en 2009, tout était en Guyot mixte, c’est-à-dire une baguette d’un côté, à gauche ou à droite, et de l’autre côté un petit rappel qui nous permet de faire la même chose l’année d’après. A mon arrivée, j’ai décidé directement de tout changer en Guyot double, qui divise la charge en deux. Au lieu d'avoir seize grappes sur nos 50 centimètres, on s’est dit qu’il valait mieux avoir huit grappes d'un côté et huit grappes de l'autre. C’est un moyen de prophylaxie naturelle, un moyen de lutter de façon naturelle contre les maladies de la vigne comme le botrytis en étalant la vendange, en apportant plus d'aération. »


Tailler ainsi est une solution naturelle, permettant de limiter le recours aux traitements, qu’ils soient chimiques ou biologiques. Dans la même philosophie vertueuse, les sarments coupés sont systématiquement revalorisés. « À Montlabert, on broie les sarments. Quand on tire les bois, les ouvriers laissent une lignée de sarments sous leurs jambes. Ensuite, le tracteur passe au-dessus, et il les broie. On n’en parle pas beaucoup, mais il y a un aspect économique énorme. Broyés, les sarments s’assimilent petit à petit dans le sol. Au bout d'un certain nombre d'années, les copeaux deviennent de l'humus. »


La taille de la vigne tient particulièrement à cœur à Ludovic, les concours de taille qui s’organisent à l’échelle départementale, régionale et nationale ayant en quelque sorte façonné son parcours professionnel : « j'ai commencé quand j’étais en seconde de bac pro Viti-Oeno. J'ai fait mon premier concours départemental à Anjou, où je suis arrivé dans les cinq premiers sur 200. Ensuite je suis parti en concours régional, où je suis encore arrivé dans la shortlist, et enfin les nationaux à Reims. Sur 380 ou 400 participants, je suis arrivé 30ème parmi les adultes et premier parmi les jeunes. »


Aujourd’hui, il en garde un excellent souvenir : « Ça m'a donnée une autre vision, que j'essaie de transmettre aux collaborateurs. L'idée c'est de leur donner une idée de ce que je veux qu'ils apportent, mais qu'ils apportent également leur patte à eux, parce qu'au final c'est eux qui vont être devant le pied de vigne. Chacun d’eux apporte leur pierre à la confection du nectar. » 


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